Il se passe quelque chose de tragique dans l'école québécoise (tragique au sens littéraire de « propre à une situation conflictuelle, dramatique, douloureuse, dans laquelle une personne est prise comme dans un piège dont elle ne peut s'échapper » (TLF). Pour avoir moi-même vécu l'expérience de l'enseignement 'dans une autre vie' -- à l'époque où les décrets tenaient lieu de convention collective et où la critique était automatiquement associée à de la subversion --, croyez-moi, cette tragédie ne date pas d'hier! Mais je sens que quelque chose de profond est en train de changer : c'est qu'on en parle beaucoup plus ouvertement, à visière plus ou moins découverte certes, mais on en parle... Et on peut, semble-t-il enfin, se dire 'les vraies affaires' sans craindre les représailles!
« Dubet se plait à souligner aussi combien le monde scolaire est un monde théologique et sacralisé. S’il s’est largement construit en opposition au monde théologique, il en a adopté les mêmes formes de transmission des connaissances. Ce registre de sacralité républicaine est l’une des raisons pour lesquelles les réformes ne se font pas. Le malaise actuel de l’école vient en premier lieu d’un malentendu : le « collège unique » a été voulu comme un collège de masse mais avec une culture élitiste. Il y a là une tension qu’il est très difficile de résoudre. [...] Pour les élèves, « l’égalité des chances » tant prônée et valorisée a quelque chose de darwinien et d’impitoyable. Elle suppose en effet des vainqueurs et des vaincus. L’auteur rappelle que les mouvements ouvriers ne réclamaient pas l’égalité des chances mais qu’ils demandaient une amélioration de leur conditions.
« Selon Dubet, Il faut maintenant déscolariser la société. Nous vivons dans une société qui a mis trop de charges sur l’école. Il se produit un emballement, inutile et vain, de la demande scolaire. Le fait que 100 000 élèves quittent le système sans qualification n’est pas dramatique en soit. Ce qui l’est, c’est qu’ils se trouvent, du fait de cette absence de qualification, déclassés, mis en marge de la société Plus largement, c’est à l’emboitement des deux systèmes, social et scolaire, qu’il faut réfléchir. »Stéphanie Demers, citant un entretien de François Dubet, sociologue français
« [...] il convient d’envisager toutes les solutions qui pourront contribuer à briser l’isolement dont souffre trop d’intervenants dans le monde scolaire. Raconter ce qui nous occupe, c’est bien, mais comme le dit Seth [Godin], il faut aussi apprendre à mieux s’interconnecter pour augmenter nos échanges et s’engager à fond dans les changements à faire. La troisième étape qui nous attend consistera en la création d’effets de levier qui permettront d’impliquer les gens de l’extérieur de notre domaine. J’aime bien ce résumé des principes de l’auteur de Tribes.
« Pour le moment, nous n’en sommes probablement qu’à l’étape de l’interconnexion entre les membres de la «masse critique» dont parlait Martin Bélanger. Il faut augmenter le nombre de ces personnes qui n’ont pas besoin d’avoir tout en commun, mais qui croient aux vertus de l’échange et du partage en plus de refuser le statu quo et la nostalgie de l’école où tout le monde doit apprendre les mêmes choses en même temps à la même vitesse. De fait, nous n’avons pas besoin d’être des milliers avant de pouvoir provoquer les changements escomptés pour se «guérir» de l’école d’hier qui créé trop souvent le décrochage d’aujourd’hui. Il nous faut seulement mieux s’organiser et se regrouper avec des réseaux constitués d’éducateurs qui utilisent les moyens modernes de communiquer. Les actions futures doivent-ils passer par les associations professionnelles, les syndicats, les représentants des divers acteurs de l’école (parents, cadres, etc.) ou les politiciens? Probablement… mais il faudra peut-être accepter de ne plus attendre après ces groupes dont l’inertie des uns explique peut-être l’inertie des autres.
« Tous les enseignants vous le diront : la réforme est morte. J’étais de ceux qui y croyaient et qui y croient encore, pourtant. Il me faut toutefois admettre que les bonzes de l’évaluation du MELS ont vaincu les “trippeux” de pédagogie.
« Pour l’enseignant réflexif que je suis, la réforme scolaire, c’était le grand changement appréhendé. La réforme, ça demande des profs qui se mettent les “tripes” sur la table et qui sont prêts, au besoin, à faire table rase au nom de leurs grands idéaux pédagogiques. Ça requiert des profs sûrs d’eux, qui prennent des risques, qui sortent volontiers de leur zone de confort, qui acceptent de discuter de leurs certitudes, qui partent du principe que tout peut être remis en question. Ça prend des profs qui, au lieu de suivre un chemin asphalté et bien balisé, décident de créer le chemin au gré de leurs explorations.
« C’est précisément pour cela que la réforme a échoué : la masse critique de ceux qui sont prêts à “refaire le monde” de la pédagogie est trop petite. Elle s’est laissé noyer dans la majorité qui veut rester dans ce qui la réconforte : ses notes de 0 à 100%, ses tests d’évaluation de connaissances, ses moyennes de groupe, ses pondérations. Une p’tite dictée avec ça?
« Nombreux sont les passionnés qui souhaitent la création d’une école adaptée à notre ère, notre réalité. Le réseautage et la collaboration permettront probablement sa création.
Alexandre Riopel, en commentaire au billet précédemment cité
« [...] j’ai observé depuis toujours que ceux qui réussissaient le plus à l’école primaire et secondaire étaient ceux qui avaient le plus intégré dans leurs attitudes et leur comportement cette valeur. Plus tu te conformes en classe, plus tu écoutes, plus tu suis les consignes, plus tu gardes les rangs, plus tu agis en conformité avec ce qu’on attend de toi… plus tu as de bonnes notes et mieux tu es perçu par "le système". Moins tu t’affirmes, moins tu déranges, moins souvent tu t’éloignes de la ligne droite tracée devant toi, mieux "tu performes" dans ce système.
« Pourtant, en dehors de l’école, sur le marché du travail, dans les arts ou les sports, en famille, "se conformer" en prenant le moins d’initiatives possible n’est absolument pas utile. En société, agir sans trop de discernement, "comme tout le monde", ça peut même te mettre en danger!
« On veut former des gens autonomes et responsables pour le collégial et l’université, sans leur montrer comment s’affirmer. D’ailleurs, quand ils osent s’avancer avec un point de vue divergent, ils en paient souvent le prix par le reproche ou l’exclusion.
« [...] j’en ai marre de ce système qui survalorise un comportement nuisible en société quand vient le temps de s’adapter. Trop de nos leaders sont de ceux qui ont refusé de rentrer dans les rangs… voire, ont décroché de ce système. Ne l’a-t-on pas remarqué?« L'école est faite et menée par des gens qui n'en sont jamais sortis. On s'est organisé pour que ce soit comme ça. Nous y sommes entrés, enfants, et y sommes restés, toujours. Conformistes? Institutionnalisés, plutôt. Résister, c'est dans la nature profonde de l'école. C'est quasiment un mandat social: protéger l'institution. On est dans un univers, l'univers scolaire, où le meilleur c'est toujours avant qu'il est arrivé, c'est toujours hier que ça se passait. Chaque fois que tu parles de changer des choses, changer l'école, c'est comme si t'arrachais à la population des pans complets de ses archives personnelles: l'école telle qu'ils s'en souviennent. Le bon vieux temps. La grosse soupe originelle où on s'est tous construits et de laquelle on s'est extirpé pour aller peupler la terre. Un rite de passage. Y'en a qui fuient l'école publique, dans la mesure où ils en ont les moyens, parce qu'ils la trouvent trop perméables aux changements et aux modes. Ils préfèrent l'école privée qui fait l'apologie de ses traditions séculaires, de ses costumes, de son encadrement strict. Conformiste l'école? C'est à la limite du pléonasme. Comment pourrait-elle ne pas l'être, c'est ce à quoi on s'attend d'elle.
Marc Saint-Pierre, en commentaire au billet précédemment cité
(En réponse à la question : « Pourquoi une technologie qui offre une vraie dynamique devrait-elle avoir un coût inférieur ? »)
« Pour qu'il y ait apprentissage, il faut que l'élève soit actif dans la construction de son savoir. C'est pure illusion que de croire qu'un élève apprend en restant assis 50 minutes à écouter un prof (avec TBI ou non) déblatérer sa matière. Cette technique n'est utile que si on veut gaver les élèves de connaissances qu'ils régurgiteront quelques jours plus tard dans un examen. Il n'est pas nécessaire que chaque élève ait son ordinateur portable. Cependant, si cet élève a besoin d'utiliser un ordinateur, ce dernier doit être immédiatement accessible.
« Quelques exemples.
« Un élève écrit un texte. Alors, IL DOIT être en mesure d'ouvrir un ordinateur, d'utiliser un texteur (en mode local ou Internet), d'ouvrir son correcteur orthographique, d'ouvrir DES dictionnaires, d'accéder à l'Internet pour y faire des recherches sur des mots, des phrases, des idées, etc.
« On demande aux élèves de travailler en équipe sur un projet. Ces élèves DOIVENT avoir accès à des ordinateurs pour plusieurs étapes du projet :
- Remue-méninges avec un mind-mapping, par exemple.
- Structuration des idées et construction du plan (plusieurs logiciels sont d'une grande aide pour ce faire)
- Partage des idées (via un wiki par exemple ou un Google document)
- Écriture (wiki, texte partageable synchrone et asynchrone, outil de correction grammaticale, logiciel de graphisme, etc.)
... et j'en oublie.
« Le rôle du prof dans tout cela ? Laisser les élèves travailler !!! Les guider, leur faire prendre conscience de leurs avancées, de leurs difficultés, de leurs forces, de leurs défis. Auparavant, il était important que l'enseignant sache ce que l'élève apprend. Aujourd'hui, il est plus important que ce soit l'élève qui sache ce qu'il apprend et ce qu'il lui reste à apprendre !!!