C'est du Clément Laberge. Un éducateur invétéré. 'Apôtre visionnaire' de la cité éducative : un concept qu'il qualifie d'utopique -- mais que je crois plutôt avant-gardiste -- de l'école...
« [...] On en demande déjà beaucoup à l'école. On lui demande trop. On demande trop à ses acteurs. Trop de trop de choses. Trop de variété. On ne devrait confier à l'école que ce qu'il n'est pas possible pour la société de faire autrement. Seulement ce qui demande une telle concentration de ressources et de moyens qu'il n'est pas possible — encore — de permettre aux enfants d'apprendre autrement. C'est le sens historique de la création de l'école.
« [...] Dans une société de plus en plus riche — à tous égards — je pense qu'on devrait progressivement alléger le fardeau de l'école... et revenir à l'essentiel: exiger d'elle ce qui ne peut pas être fait autrement. Ce n'est malheureusement pas ce qu'on fait aujourd'hui. Même ce qu'on pourrait faire avantageusement hors de l'école on le demande à l'école. C'est trop facile. Et contre-productif.
« [...] Il faut accepter de réfléchir les questions d'éducation autrement. Il faut accepter de remettre en question le paradigme fondateur de l'école contemporaine: 100% des élèves à l'école, en présence d'un prof 100% du temps.
« La culture de l'accompagnement (...) ce ne devrait pas une exigence faite aux profs : c'est l'affaire de toute la société. Les enfants devraient être plus souvent bienvenus sur les lieux de travail. On devrait inventer de nouveaux espaces de rencontres entre professionnels et étudiants. On devrait faire plus souvent appel aux jeunes retraités et aux personnes âgées pour réaliser des activités éducatives au coeur de la ville. On devrait utiliser davantage les places publiques. On ne devrait plus construire un immeuble sans prévoir au rez-de-chaussé un espace éducatif pour être en mesure de témoigner de l'importance des activités qui s'y déroulent dans la vie de la communauté. On ne devrait plus accepter que les journaux soient publiés sans quelques pages où, chaque jour, des jeunes pourraient interpeller leurs aînés, proposer des projets, faire appel à de l'aide ou solliciter des conseils.
« [...] Comment est-il possible qu'en 2008, toutes les écoles n'aient pas déjà au moins une page web avec, en permanence, une liste de besoins et de souhaits continuellement mis à jour? Une page Web qui la relie aux autres écoles de leur secteur, à l'hôtel de ville, à des associations, aux familles, aux écoles d'autres villes — voire d'autres pays. Un système de pages Web (et de flux rss) qui permettrait de structurer les besoins, de façon dynamique; qui permettrait aux forces vives d'un milieu de s'engager aux côtés des profs; qui permettrait aux milieux de constater plus adéquatement qu'un palmarès les richesses et les forces les uns des autres — et à l'État de pallier aux iniquités, lorsque nécessaire.
« [...] On aura beau mettre tous nos espoirs et toutes nos ressources entre les quatre murs de l'école, si on ne place pas celle-ci au coeur d'un véritable écosystème communautaire nous serons cruellement déçus. L'école au centre de la société c'est anachronique: l'école au coeur de la vie communautaire — et de la vie des jeunes c'est mieux. (...)
« La cité éducative c'est ça. La cité ce n'est pas la ville. Ce n'est pas le pays. C'est l'environnement dans lequel on vit. C'est l'espace qu'on partage avec les autres. C'est le vivre ensemble. Et pour bien vivre ensemble, je suis convaincu qu'il n'y a rien comme apprendre ensemble. (...) Il faut réhabiliter la place publique comme lieu d'apprentissage. (...) L'école reste nécessaire, bien sûr — mais seulement quand on ne peut pas faire autrement. (...) Osons croire que l'école c'est là où on va pour apprendre seulement ce qu'il n'est pas possible d'apprendre mieux ailleurs... »
Clément Laberge